Protection des espèces

Histoire du retour du loup en Suisse (1995-2021)

Loup courant dans la forêt Nataliia Melnychuk / iStock
Comment le loup a-t-il fait sa réapparition en Suisse? Voici l'histoire de son retour présentée de manière chronologique.

Officiellement, le loup a disparu de Suisse à la fin du 19e siècle. Entre 1908 et 1990, certains spécimens isolés ont néanmoins fait leur apparition à plusieurs reprises sur le territoire national. Leur origine reste incertaine.

État: novembre 2021

Janvier 2021

La louve dominante de la meute du Ringelspitz est retrouvée morte près de Pigniu (GR). Les investigations menées sur la carcasse montrent que la louve a été tuée par d’autres loups, probablement au cours d’un conflit de territoire. 

Dans les gorges du Rhin près de Valendas (GR), un jeune loup, probablement de la meute du Ringelspitz, est à nouveau écrasé par un train. Un autre jeune individu, probablement de la meute de la Muchetta, est également tué par un train des Chemins de fer rhétiques entre Alvaneu-Bad et Filisur. 

Février 2021

La louve F78, qui a tué de nombreux moutons (provenant pour la plupart de troupeaux non protégés) dans la région de Gürbetal-Gantrisch (BE) et que l’on a ensuite tenté d’effaroucher en vain, est abattue par les gardes-faune bernois. Le tir était légal malgré l’absence de protection des troupeaux, car selon le Concept Loup, les attaques de loups dans des régions sans présence préalable de loups peuvent également être comptabilisées dans des troupeaux non protégés. La question de ce qu’on entend par la «présence de loups» est contestée. Des indices réguliers de la présence de loups dans les communes voisines ont été relevés et aujourd’hui, il faut s’attendre à ce que des loups puissent apparaître sur tout le territoire suisse! Il est urgent d’adapter le Concept Loup sur ce point. 

Mars 2021

Un loup est aperçu dans le canton de Zurich. Après avoir été décelé par un piège photographique, l’animal est observé par une cavalière. 

Le Conseil fédéral ouvre la consultation sur une modification partielle de l’Ordonnance sur la chasse (OChP) concernant la gestion du loup. L’amendement prévoit que des interventions contre des loups isolés (tir d’animaux isolés) et contre des meutes entières (régulation) doivent être possibles dès que certains seuils de dommages, plus bas qu’auparavant, sont atteints. À l’avenir, 10 attaques d’animaux de rente protégés au lieu de 15 seront suffisantes pour autoriser une intervention. En outre, la Confédération augmente ses contributions financières aux «mesures supplémentaires» des cantons en matière de protection des troupeaux, pour autant que celles-ci s’avèrent efficaces et justifiées. Cela inclut, par exemple, l’utilisation d’autres races de chiens de protection en plus des races «officiellement reconnues», comme c’est déjà le cas dans le canton des Grisons. Pro Natura accepte cette adaptation, mais demande en même temps une révision complète de la Loi et de l’Ordonnance sur la chasse ainsi que du Concept Loup, afin de renforcer la protection des espèces en général, en plus d’aborder les questions ouvertes sur la gestion du loup. 

Avril 2021

Dans le cadre de la mise en consultation de la modification partielle de l’Ordonnance sur la chasse (OChP), le conseiller d’État grison Mario Cavigelli déclare que le canton des Grisons exige des mesures plus strictes à l’encontre des loups – et ce en totale méconnaissance de la votation populaire de septembre dernier sur la révision de la Loi sur la chasse. Mario Cavigelli demande, entre autres, que les cantons puissent désigner des «zones libres de loups» ou tuer des meutes entières. 

Mai 2021

Un loup est écrasé sur l’A3 dans le canton de Schwyz, près de Wollerau. Il s’agit d’un jeune mâle.

Un garde-faune grison abat près de Vals un loup mâle adulte boitant fortement d’une patte avant. Il s’agit très probablement du mâle dominant de la meute du Ringelspitz. Cette meute, poursuivie par la malchance, a maintenant perdu son mâle dominant après sa louve dominante. Dans ces conditions, on ignore encore si cette meute pourra se maintenir et se reproduire à nouveau. 

Juillet 2021

Différentes mises à jour de l’Ordonnance sur la chasse (OChP) entrent en vigueur le 15 juillet 2021. À l’avenir, les loups isolés et les meutes pourront être abattus à partir de 10 animaux de rente attaqués par mois (au lieu de 15 auparavant). En outre, le budget alloué par l’OFEV à la protection des troupeaux est relevé à 0,8 million de francs. Les associations de protection de l’environnement acceptent l’abaissement des seuils de dommages pour les animaux de rente attaqués, mais elles sont d’avis que le soutien financier à la protection des troupeaux est encore insuffisant.

Le Service de la chasse, de la pêche et de la faune du canton du Valais ordonne le tir d’un loup dans la vallée de Conches. Les jours précédents, l’animal avait tué 7 moutons dans un troupeau protégé et 7 autres sur des alpages considérés par le canton comme impossibles à protéger. Les organisations de protection de la nature renoncent à déposer un recours, car les conditions légales sont remplies ; elles cherchent toutefois à discuter avec l’administration de la chasse et celle de l’agriculture, car Pro Natura et ses alliés estiment qu’il est inacceptable que les attaques sur des alpages non protégés (car qualifiés d’impossibles à protéger par le canton) soient toujours prises en compte dans l’autorisation de tir. 

Deux ânes dans la région de Schamserberg et un veau près de Trimmis sont gravement blessés par des attaques de loups mais ils survivent. Des attaques fréquentes de moutons (pour la plupart non protégés) ont lieu dans le Prättigau et la Mesolcina. Le canton des Grisons prend alors la décision d’abattre un loup du Prättigau qui a tué plus de 10 animaux de rente appartenant à un troupeau suffisamment protégé près de Seewis. 

Dans la région du Marchairuz, dans le Jura vaudois, débute une série d’attaques sur des veaux âgés de plus de 6 mois (>150 kg) dans des pâturages boisés. La responsabilité des loups dans ces attaques est en partie avérée et en partie présumée. Elle a pu être établie sur au moins 3 cas sur 10 et ces attaques sont probablement le fait de la meute installée dans la région. 

En Valais, dans le Val d’Hérens, plusieurs moutons sont également tués par des loups en juillet et août, parfois dans des situations de protection.

Août 2021

Fin juillet et début août, trois rencontres rapprochées ont eu lieu entre des hommes et des loups de la meute de Beverin dans la région du parc naturel de Beverin (GR). Lors de la première rencontre, une bergère et son chien de berger sont surpris «par derrière» par un loup sur le chemin d’un alpage au-dessus de Sufers. Le loup grogne contre eux en se tenant à 10 m de distance. Quand la jeune femme se met à gesticuler et à crier, le loup finit par s’en aller. Une semaine plus tard, la même bergère, à nouveau accompagnée de son chien de berger, rencontre trois jeunes loups dans la même région, à nouveau à courte distance. Les loups s’intéressent au chien, s’approchent et, selon le procès-verbal officiel du garde-chasse, tentent de l’«attraper». Les médias parleront plus tard d’une «attaque de loup sur le chien de berger». Une fois de plus, les loups se laissent effaroucher par les cris et les gesticulations de la bergère. Une bonne semaine plus tard, un groupe de randonneurs tombe sur deux loups adultes à environ 20 mètres de distance. Les loups sont chassés par les cris et les gesticulations des promeneurs mais ils ne disparaissent pas complètement de leur champ de vision. Quelques minutes plus tard, le groupe rencontre trois jeunes loups qui le suivent sur près de 20 mètres avant d’être dissuadés par le comportement des randonneurs. Les jeunes loups retournent vers les adultes, mais les cinq loups restent encore en vue des randonneurs pendant environ un quart d’heure à une distance de 300 mètres. 
Le lendemain, les alpagistes peuvent observer une grande partie de la meute, à savoir 5 adultes et 6 jeunes, dans la zone où la bergère a rencontré les loups. Il s’agit manifestement du «lieu de rendez-vous» de la meute de Beverin, ce qui pourrait expliquer le comportement curieux et explorateur des loups lors des rencontres évoquées. Bien qu’aucun signe concret d’agressivité envers l’homme ne puisse être prouvé, le service compétent souhaite agir à titre préventif et demande une régulation de la meute de Beverin. 

Le 3 août, un loup isolé est abattu dans la vallée de Conches par un garde-chasse en vertu de la décision de tir prise en juillet.  

Une nouvelle meute de loups est identifiée dans le Val d’Hérens, en Valais. Au moins cinq loups sont enregistrés par une caméra de surveillance de la faune. Il s’agit de la quatrième meute de loups attestée en Valais (mais la première meute attestée dans la région d’Augstbord n’existe probablement plus). 

Suite à l’accumulation d’attaques sur des troupeaux de moutons protégés et sur du gros bétail et à la fréquence des rencontres rapprochées avec des humains, le Service de la chasse et de la pêche des Grisons demande une (nouvelle) régulation de la meute du Beverin (pour la deuxième fois après 2019). L’OFEV autorise le tir de 3 jeunes loups au total, mais rejette la demande de tir concernant le loup dominant M92, que le Service de la chasse tient pour responsable de la plupart des dommages et de la transmission d’une «tradition» néfaste au sein de la meute. Selon l’OFEV, les conditions juridiques requises par l’Ordonnance sur la chasse ne sont pas remplies. M92 aurait dû être reconnu comme l’«auteur» d’au moins deux tiers de tous les dommages survenus dans la région pendant plusieurs années avant qu’un tir puisse être envisagé. Les organisations environnementales acceptent la décision de régulation et renoncent à un recours, même si elles considèrent que le comportement de la meute de loups est nettement moins préoccupant que ne l’estime le canton. Les conditions de régulation sont toutefois remplies, en raison également des dommages causés à des troupeaux protégés. 

Le Service de la chasse et de la nature du canton de Vaud demande la régulation des loups présents sur le territoire de la meute du Marchairuz en raison d’attaques répétées sur du gros bétail. L’OFEV approuve la demande de tir de deux jeunes loups. Les organisations environnementales acceptent la décision et renoncent à faire recours, mais elles tiennent à s’engager pour que des mesures appropriées soient prises afin d’éviter d’autres attaques de bétail l’année suivante. Suite à l’octroi de l’autorisation de tir, diverses protestations et actions de perturbation sont menées par des «sympathisants du loup» locaux contre le service cantonal de la faune. 

Suite aux attaques répétées sur des troupeaux de moutons protégés dans le Val d’Hérens, le Service valaisan de la chasse et de la faune demande la régulation de la meute du Val d’Hérens qui vient d’être identifiée. Le tir de deux jeunes loups est demandé. L’OFEV autorise la régulation. Les organisations environnementales acceptent la décision et renoncent à faire recours, car la limite des dommages aux troupeaux protégés est dépassée. 

Septembre 2021

Dans le canton de Glaris, dans le district franc de Kärpf, une nouvelle meute de loups est identifiée au moyen d’une caméra pour animaux sauvages. Deux louveteaux sont décelés par le piège photographique. Il s’agit de la deuxième preuve de la présence d’une meute dans le canton de Glaris. 

Le 8 septembre, soit quelques jours seulement après avoir reçu l’accord de l’OFEV pour la régulation de la meute de Beverin, les gardes-chasse grisons parviennent à abattre deux jeunes loups de la meute. Un autre animal peut encore être abattu d’ici à la fin mars 2022. 

Le 11 septembre, la surveillance de la faune du canton des Grisons prouve une autre reproduction de loups dans le haut du Val Mesolcina, près du col du San Bernardino, et donc la présence présumée d’une nouvelle meute. Un seul louveteau a été décelé par le piège photographique. Il s’agit de la septième preuve de présence d’une meute de loups dans le canton (mais deux des meutes, celle du Calanda et celle du Ringelspitz, ont disparu). 

L’Office fédéral de l’environnement rejette une demande du canton des Grisons visant à réguler également la meute de Stagias. Il estime que les conditions ne sont pas remplies, car une partie des dommages enregistrés par le canton sont intervenus dans des troupeaux insuffisamment ou non protégés. 

Le canton de Vaud confirme la présence d’une autre meute de loups dans le Jura vaudois et en France voisine (région du Risoud, Vallée de Joux). 
Sur le plan politique, même après le rejet de la nouvelle loi sur la chasse – ou peut-être justement à cause de cela – les choses ne se calment pas autour du loup. Plus d’une douzaine de nouvelles interventions au Conseil national et dans les commissions traitent des conflits liés au loup cette année. 

Le mois s’achève sans que l’individu dont le tir a été autorisé dans le Prättigau (GR) ait pu être abattu.

Octobre 2021

La première preuve (génétique) certaine de la présence d’un loup dans le canton du Jura est apportée près de Saint-Ursanne. Le loup est donc désormais aux portes des demi-cantons de Bâle-Campagne et de Bâle-Ville. 

Le mois d’octobre s’écoule sans que des loups aient pu être abattus dans le cadre des régulations autorisées. Dans la région du Marchairuz, la résistance locale des défenseurs du loup complique les tentatives de régulation. De plus, les meutes sont à nouveau beaucoup plus mobiles qu’en été, ce qui réduit les possibilités d’intervention des gardes-faune.

Novembre 2021

Sept chèvres sont tuées par un prédateur près de Lauwil dans le canton de Bâle-Campagne. Quelques jours plus tard, un loup est aperçu près d'une ferme isolée à Zeglingen, également dans le canton de Bâle-Campagne. Une caméra pour animaux sauvages détecte également l'animal près de Nunningen. Les analyses génétiques de Lauwil confirmeront quelques jours plus tard la présence du loup. 

Un loup mort est retrouvé dans la forêt de Finges (VS). L'autopsie révèle qu’il a été écrasé par une voiture. 

L’administration de la chasse du canton du Tessin annonce la découverte d’une nouvelle meute de loups tessinois. Des parents avec au moins 3 jeunes peuvent être identifiés dans la région sauvage de la Valle Onsernone.

Nombre de meutes de loups en novembre 2021

8 meutes avec preuve actuelle de reproduction (Beverin, Stagias, San Bernardino dans le canton des GR, Onsernone dans le Tessin, Kärpf dans le canton de GL, Val d’Hérens en VS, Marchairuz, Risoud dans le canton de VD). S’y ajoutent au moins 5 autres meutes avérées, mais sans preuve de reproduction de l’année en cours : meute de l’Albula (Muchetta) et meute de Valgronda dans les GR, de Schilt GL, du Chablais et d’Anniviers VS. En outre, des indices (non confirmés) de reproduction de loups ont été recueillis dans les régions d’Entremont (VS), Augstbord (VS) de Morobbia / Val Colle (TI) et du Weisstannental / Calanda (SG/GR).

Au total, on peut compter avec environ 13-15 meutes de loups et une population suisse d’environ 150 individus. On n’est donc plus très éloigné d’un «statut de conservation favorable» pour le loup en Suisse.

Pro Natura met un point final à sa chronique du retour du loup en Suisse en novembre 2021. On peut considérer que le loup est à nouveau présent en Suisse et qu’il y est répandu. Des habitats appropriés non encore colonisés dans le Jura et les (Pré)Alpes seront probablement regagnés dans les années à venir. Le Groupe Loup Suisse informe sur l’état actuel de la répartition des loups et des meutes de loups en Suisse sur son site Internet www.gruppe-wolf.ch et sur sa page Facebook

Informations complémentaires

Info

Causes de mortalité connues des loups en Suisse

Autorisations de tir: 26 (et 6 autorisations de régulation (dont 14 tirs d’animaux isolés ayant abouti et 3 interventions de régulation ayant abouti).)

Nombre total de loups retrouvés morts: 57 (années 1998 et suivantes, y compris les tirs autorisés)

Tirs légaux: 21 loups

Tirs illégaux: 10 loups (y compris les tirs «par erreur»)

Accidents: 24 loups (tués sur la route et sur le rail, pour la plupart)