Drones: «Objet volant non identifié à l'horizon»
Un petit matin d'automne dans la réserve naturelle de l'Augstmatthorn, dans l'Oberland bernois. Toute la crête longeant la rive nord du lac de Brienz est une zone de protection nationale de la faune sauvage. Dès les premières lueurs de l'aube, on y rencontre des dizaines de promeneurs, attirés par le panorama splendide en cette belle journée ensoleillée. Malgré tout, il est possible d'observer plusieurs chamois et bouquetins qui pâturent en ordre dispersé au-dessus de la limite des arbres. Soudain, un mouvement se propage à l'ensemble des animaux, qui se précipitent dans la forêt en contrebas. En un clin d'œil, près de 80 chamois et bouquetins ont déserté un pâturage de deux kilomètres carrés et se sont comme «volatilisés». Que s'est-il passé? Un drone a décollé depuis le sommet de l'arête. Le petit multicoptère télécommandé survole longuement les crêtes et le versant sud de l'Augstmatthorn, sans doute pour filmer ces hauteurs vertigineuses inaccessibles à l'être humain. On rapporte de plus en plus souvent des incidents de ce type: tantôt ce sont des visiteurs importunés dans une réserve naturelle, tantôt des oiseaux d'eau effarouchés au bord d'un lac, tantôt un aigle royal dérangé dans sa zone d'évolution. Il s'agit d'une tendance croissante en Suisse: en 2015, le nombre de drones était estimé à 20000. En 2017, on atteint les 100000. La tendance se confirme.
Les oiseaux sont particulièrement sensibles
De nombreux propriétaires de drones n'ont pas conscience du danger que leur engin volant représente pour la faune. Une étude de la Station ornithologique suisse montre que les oiseaux sont particulièrement sensibles au vol des drones. «Les drones provoquent des comportements de fuite qui peuvent épuiser les oiseaux ou les pousser à abandonner leur habitat, ils les stressent et peuvent même causer des accidents», explique Michael Schaad. Les conséquences sont dramatiques durant la phase de reproduction, qui risque d'être interrompue, voire de ne pas commencer. La Station ornithologique recommande de ne jamais faire voler un drone en direction d'un oiseau, de ne pas s'approcher à moins 200 mètres des réserves naturelles et de renoncer totalement aux vols dans les zones de nidification.
En Suisse, la législation n'a pas suivi le développement technologique et commercial. Les restrictions en vigueur ont trait à la sécurité, à la protection des données et au trafic aérien. La protection de la nature passe au second plan. Les drones ne sont interdits que dans les réserves d'oiseaux d'eau et de migrateurs, ainsi que dans les districts francs fédéraux. Ce qui devrait donc aussi être le cas dans la région de l'Augstmatthorn dont nous parlons. Mais une interdiction qui n'est ni communiquée, ni contrôlée est difficile à appliquer.
Pro Natura demande que les drones ne volent que dans des zones bien définies où ils ne perturbent pas le milieu naturel. Des dispositions claires doivent régir les grands drones télécommandés par des pilotes professionnels (par exemple pour effectuer des relevés topographiques). Les petits drones de loisirs sont difficiles à contrôler, mais ce sont eux qui posent le plus de problèmes dans les aires protégées. Les utilisateurs sont loin d'avoir été suffisamment sensibilisés. Pro Natura s'engage avec d'autres organisation, ainsi qu'avec la Confédération, les cantons et les représentants des utilisateurs de drones pour un renforcement de la législation et une sensibilisation des pilotes.
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La mode de l'helibiking arrive en SuisseL'héliski est le sujet d'âpres controverses depuis des années. Les touristes sont demandeurs, alors que les randonneurs à la recherche de tranquillité et les milieux de la protection de la nature critiquent le bruit et l'exploitation à des fins commerciales de zones jusqu'ici encore préservées (également dans des réserves naturelles). Mais voici qu'une nouvelle tendance se profile en Suisse, l'hélibiking. Vélos tout-terrain et cyclistes sont déposés en hélicoptère au sommet des montagnes, pour redescendre ensuite dans la vallée par les sentiers pédestres. Le problème n'est pas uniquement ce surcroît de trafic aérien. Gâce à l'hélicoptère, les cyclistes peuvent se rendre dans des zones où ils ne parviendraient jamais à la seule force du mollet. Les conflits avec la nature et avec les autres touristes sont inévitables.
Andreas Boldt, Chef de projet Activités de loisirs et protection de la nature
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Cet article a été publié dans le Pro Natura Magazine.
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