Chercheur Roman Alther: «Nous nous attendons à de nouvelles découvertes»
Les amphipodes constituent un élément important et irremplaçable du cycle alimentaire dans nos eaux de surface. Sous la direction de Florian Altermatt, un groupe d’experts de l’Institut de recherche sur l’eau Eawag a entrepris un relevé systématique des amphipodes présents dans le sous-sol. Les découvertes sont étonnantes selon Roman Alther.
Magazine Pro Natura: dans le cadre du projet amphipod.ch, trois nouvelles espèces d’amphipodes ont été découvertes dans le Hölloch. S’agit-il là d’un heureux hasard ou peut-on soupçonner la présence de nombreuses populations d’espèces n’ayant pas encore été découvertes dans le sous-sol?
Roman Alther: probablement l’un et l’autre. Il est exceptionnel de découvrir trois nouvelles espèces dans un lieu spécifique, même si le Hölloch représente un immense système de grottes. Nous avons prélevé de nouveaux échantillons, que nous sommes en train d’analyser sur les plans génétique et morphologique, et nous nous attendons à de nouvelles découvertes. Mais il est peu probable que nous nous trouvions encore face à trois nouvelles espèces dans un même endroit.
La biospéléologie, c’est-à-dire le relevé systématique de la faune et de la flore des cavités terrestres, en est-elle encore à ses débuts en Suisse?
Il est certain que la recherche spéléologique menée par le passé a été davantage axée sur la géologie que sur la biologie. Cependant, dès les années 1960, deux chercheurs ont pu donner un aperçu de la diversité des organismes vivants dans nos grottes. Il s’agit là d’une base importante pour notre étude, qui porte sur le relevé systématique des amphipodes et des autres espèces animales présentes dans le sous-sol. Mais dans l’ensemble, la biospéléologie est encore peu développée dans notre pays.
En Allemagne, le premier poisson cavernicole européen a été observé au cours de ce type de relevé. En tant que chercheur, espérez-vous secrètement faire une découverte aussi palpitante?
Vous savez, la découverte de ces amphipodes a constitué un véritable événement ! Cette observation est d’abord bénéfique pour attirer l’attention du public sur un habitat à peine connu. Mais ce n’est pas la seule motivation de notre travail. Dans les eaux de surface, nous avons maintenant des connaissances assez précises sur les organismes, les cycles écologiques et les fonctions des écosystèmes. Il est important pour nous d’aboutir à la même compréhension des eaux souterraines.
Dans les eaux de surface, les amphipodes constituent une partie importante de la chaîne alimentaire et ils ont un impact direct sur les populations de poissons. Est-ce également le cas dans les habitats souterrains?
Comme je l’ai dit, ces milieux ont été moins bien étudiés à ce jour mais il est probable que les amphipodes se trouvent ici à la fin de la chaîne alimentaire alors qu’en surface, ils en constituent un maillon important. Sous terre, ils se nourrissent par exemple de biofilm, c’est-à-dire de différents microorganismes. Certains amphipodes sont probablement eux-mêmes prédateurs, comme on peut le supposer à la morphologie des organes servant à la mastication ainsi que des pinces. Nous nous réjouissons d’approfondir les résultats de nos recherches.
- Vera Howard/Pro Natura
Dans les eaux de surface, les écrevisses souffrent indéniablement de la présence de pesticides. Ces substances toxiques atteignent-elles aussi le monde souterrain?
Oui, cela a été prouvé. Les eaux souterraines sont régulièrement observées et une étude réalisée cette année par l’Eawag a montré la présence de pesticides dans les eaux souterraines à de nombreux points de mesure. On présume que ces pesticides peuvent aussi avoir un impact négatif sur les communautés souterraines. Dans les habitats alpins comme le Hölloch, l’influence de l’homme est probablement moindre car l’exploitation des sols en surface est plus extensive. Sur le Plateau, la situation est bien différente.
Et les amphipodes constituent des indicateurs biologiques importants dans ce contexte, tant en surface que dans les eaux souterraines?
C’est ce que nous supposons, ce serait la conséquence logique de nos conclusions sur les eaux de surface. Toutefois, nous ne pouvons pas encore le confirmer, car nous n’en sommes qu’au début de nos recherches dans ce domaine et nous n’avons pas de valeurs comparatives antérieures. Dans le cadre d’un projet de suivi, nous voulons donc relier les informations disponibles sur la faune des eaux souterraines aux informations relatives à l’exploitation des surfaces au-dessus. Les sociétés de distribution d’eau sont également très intéressées par ces informations.
Les amphipodes constitueraient donc un label de qualité pour l’eau potable?
Clairement! Dans le cadre d’un projet pilote, certaines sociétés de distribution d’eau ont été surprises par le nombre d’organismes vivants que nous avons pu observer dans les eaux souterraines. Disposer d’eau souterraine propre est non seulement important pour nous fournir à boire, mais aussi pour la préservation de la biodiversité.
Raphael Weber, rédacteur en chef du Magazine Pro Natura.
- zvg
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Cet article a été publié dans le Pro Natura Magazine.
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