Des lacs de barrage à la place des glaciers?
Les glaciers disparaissent inéluctablement. Les neiges éternelles qui illustrent encore nos cartes postales ne survivront pas au réchauffement climatique provoqué par l’être humain. Dans les Alpes, plus de 60 % du volume des glaciers a déjà fondu entre 1850 et 2016. Et cette tendance ne fait que s’accélérer: alors qu’en 1973, la Suisse comptait encore 2100 glaciers, il n’en reste aujourd’hui plus que 1400.
Les glaciologues estiment que peut-être, dans le meilleur des cas, il restera encore à la fin du siècle des reliques de glaciers en haute montagne. Ces témoins muets et désolés seront alors le signe que nous aurons quand même réussi, en tant que société, à tirer le frein à main pour éviter que la catastrophe climatique ne devienne complètement incontrôlable. A cet égard, le rejet de la Loi sur le CO2 le 13 juin dernier n’est cependant pas un signal encourageant.
De nouveaux milieux naturels
Avec la disparition des glaciers et du permafrost disparaît aussi leur effet stabilisateur sur les paysages de montagne, ce qui augmente fortement le risque de glissement de terrain dans les Alpes. Cependant, malgré le tragique de la situation, les surfaces qui apparaissent ouvrent des perspectives. Du point de vue de la protection de la nature, l’extension des marges glaciaires peut avoir, selon le site, une valeur élevée pour la biodiversité. Du point de vue du secteur de l’énergie, les lacs en train de se former constituent un potentiel exploitable pour l’énergie hydraulique.
Le secteur de l’énergie a déjà commencé à formuler ses desiderata. Là où les glaciers marquaient le paysage de leur empreinte, des lacs de retenue pourraient former un nouveau type de paysage, voué à l’énergie. Ce développement pourrait être favorisé par l’attribution relativement unilatérale des subsides à l’énergie hydraulique. L’utilité réelle de nouvelles installations est toutefois controversée, d’autant plus que d’autres technologies moins invasives, notamment le solaire, ou des améliorations d’efficience dans certains domaines ont un potentiel d’efficacité beaucoup plus important et peuvent tout autant contribuer à la sécurité d’approvisionnement souvent citée.
Fort potentiel pour la biodiversité
Alors que le potentiel énergétique des sites se laisse aisément estimer en vue de leur exploitation, les études nécessaires pour évaluer l’importance de ces surfaces du point de vue de la biodiversité n’en sont qu’à leur début. Pro Natura a donc mandaté une série d’analyses en ce sens. Comme on pouvait s’y attendre, les résultats montrent que certaines surfaces seront d’une grande valeur pour la diversité du vivant – notamment en tant que nouveaux habitats et éventuellement aussi comme zones de retrait pour les espèces contraintes de migrer en altitude en raison du réchauffement climatique.
- Raphael Weber
Beaucoup de questions restent toutefois ouvertes. Pour en discuter, le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) a organisé une « Table ronde consacrée à l’énergie hydraulique », qui s’est tenue pour la première fois l’an dernier. Ce format doit permettre de discuter des exigences d’exploitation et de protection en les mettant sur un même niveau et d’inclure tous les acteurs concernés pour concevoir le développement de l’énergie hydraulique. Pro Natura participe à ces discussions et s’engage pour que les zones qui présentent un intérêt particulier pour la biodiversité soient maintenues en faveur de celle-ci.
Beaucoup d’objets de grande valeur
Près de 500 marges pro-glaciaires ont été étudiées sur mandat de Pro Natura. Menées par le bureau d’études géographiques geo7, les analyses portaient d’une part sur les zones dynamiques des sites et leur développement et, d’autre part, sur leur utilisation actuelle.
Les résultats montrent que de nombreux sites présentent une priorité élevée du point de vue de la protection de la biodiversité, que ce soit comme nouvelles plaines alluviales alpines ou comme marges pro-glaciaires. Un grand nombre d’entre eux se trouvent en dehors des zones protégées existantes. L’exploitation de certains de ces endroits fait déjà l’objet de discussions ou d’études.
Selon Pro Natura, la Confédération doit examiner de manière plus approfondie la valeur écologique de ces zones pour la biodiversité avant de poursuivre la discussion sur leur éventuelle exploitation. Là où les critères pour l’inscription dans un inventaire national de protection sont remplis, les inventaires doivent être complétés et les surfaces affectées à la protection de la biodiversité plutôt qu’à l’exploitation hydraulique.
Michael Casanova est responsable des dossiers Politique énergétique et Protection des eaux chez Pro Natura.
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Cet article a été publié dans le Pro Natura Magazine.
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