Alpes bernoises Raphael Weber
29.03.2023 Crise climatique

La Suisse face au dérèglement climatique

Le changement climatique n’est pas un scénario d’avenir, il est visible et perceptible aujourd’hui. Des mesures correctives sont urgentes. C’est pourquoi Pro Natura recommande le oui à la loi sur la protection du climat.

7,4 degrés. C’est la température moyenne qu’il a fait en Suisse en 2022. C’est un record, et de loin: l’année la plus chaude jamais mesurée (2018) a été dépassée d’environ 0,5 degré. Pire: jamais encore une fonte des glaciers aussi dramatique que celle de l’été 2022 n’avait été constatée en Suisse. Les glaciers suisses ont perdu plus de 6% de leur volume (3 km3 au total), soit presque trois fois plus que lors d’une année moyenne de la dernière décennie.

Et à peine la nouvelle année a-t-elle commencé que de nouveaux records sont à nouveau battus. Pour la première fois depuis le début des mesures, plus de 20 degrés ont été mesurés au nord des Alpes en janvier. Et juste avant que la neige finisse par tomber, les images de nos pistes de ski verdâtres et boueuses ont fait le tour du monde. Ces valeurs records s’inscrivent dans une évolution à long terme qui montre très clairement une accélération du réchauffement climatique et une aggravation de la crise.

On ne comprend donc pas très bien pourquoi la nouvelle loi sur la protection du climat (contre-projet à l’Initiative pour les glaciers) est combattue par référendum par la droite conservatrice. En plein mois de janvier, qui a battu tous les records de chaleur, l’UDC a annoncé qu’elle avait réuni les signatures nécessaires. Cette loi vise la décarbonisation de la société et indique la voie à suivre pour atteindre l’objectif de «zéro émission nette» d’ici 2050. Elle sera soumise au vote le 18 juin 2023.

La Suisse se réchauffe plus que la moyenne
À l’échelle mondiale, les dix dernières années ont été 1,1°C (surface terrestre 1,6°C) plus chaudes que la moyenne préindustrielle (1871-1900). La moyenne globale des températures est aujourd’hui plus élevée que jamais au cours des 2000 dernières années, très probablement même depuis 125 000 ans. La Suisse – comme toutes les masses terrestres situées aux latitudes nord moyennes – s’est réchauffée plus que la moyenne: ici, les dix dernières années ont même été 2,4°C plus chaudes que la moyenne préindustrielle. Depuis les années 1960, chaque décennie a été plus chaude que la précédente. Et cela ne devrait pas s’arrêter là, comme le montrent les scénarios climatiques 2018 de la Confédération: si les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, la température moyenne annuelle pourrait s’élever de 3,3°C supplémentaires d’ici à 2060 et jusqu’à 5,4°C d’ici à la fin du siècle (par rapport à la situation de 1981-2010).

Écart de la température moyenne annuelle par rapport à la moyenne préindustrielle:

Température annuelle Robin Hübscher
© Robin Hübscher

Le nord de la Suisse: méditerranéen?

Plages de sable artificielles, palmiers sur les balcons, animation nocturne sur les places et dans les rues: ce que l’on observe au niveau du style de vie, on le constate également en regardant le thermomètre. Le nord de la Suisse devient de plus en plus méditerranéen. Bâle, par exemple, affiche aujourd’hui les températures moyennes annuelles et estivales qui étaient enregistrées à Locarno au milieu des années 1970. Outre ces effets semblant agréables, le dérèglement climatique a des conséquences négatives pour le nord de la Suisse: des vagues de chaleur et des périodes de sécheresse plus fréquentes et plus longues, ainsi qu’une augmentation des fortes pluies et des inondations.

Palmenblatt Suzana Mijailovic

Davantage de jours de canicule

En Suisse, les températures maximales ont augmenté encore plus fortement que les températures moyennes. Les vagues de chaleur ainsi que les journées et les nuits chaudes sont devenues nettement plus fréquentes au cours des dernières décennies, comme le montre l’exemple de Lugano. Alors que dans les années 1960 et 1970, on ne mesurait pratiquement pas de jours avec des températures maximales d’au moins 30 degrés (canicule), on compte aujourd’hui déjà environ 20 jours de canicule par an. Les régions situées au nord des Alpes sont également touchées, notamment les villes avec leurs nombreux ilots de chaleur. Les calculs montrent que sans une protection efficace du climat, le nombre de jours de canicule augmentera fortement d’ici à 2060: à Genève, par exemple, il passera de 15 (valeur moyenne 1981-2010) à 39, à Zurich de 5 à 21 et à Lugano de 8 à 31.

Fonte rapide des glaciers

Volume des glaciers (km²) 1931
Volume des glaciers (km²) 2022
Volume des glaciers (km²) 2100

Les glaciers suisses ont atteint leur plus grande extension pendant le petit âge glaciaire, vers 1850. La surface totale des glaciers était alors de 1735 km2, soit la taille du canton de Zurich. Depuis, les glaciers ont considérablement perdu en surface et en volume: en 2016, il ne restait plus que la moitié de leur volume. Et de 2016 à aujourd’hui – en seulement six ans – les glaciers ont perdu environ 12% supplémentaires de leur masse. Selon une étude de l’EPF et du WSL, la moitié de la masse restante des glaciers sera perdue d’ici 2050. D’ici à la fin du siècle, 90% de la masse de glace actuelle devrait même disparaître si le climat continue à se réchauffer au rythme actuel. Avec une forte protection du climat, «seuls» deux tiers de la masse glaciaire disparaîtraient.

Le ciment des Alpes se dissout

Par permafrost, on entend le sol, les éboulis ou les parois rocheuses dont la température reste durablement inférieure à 0°C. 5% de la surface du pays est concernée, surtout en haute altitude en Valais et dans le sud des Grisons. Il peut atteindre une profondeur de 80 mètres et stabilise les versants: plus il est froid, plus la stabilité des pentes est élevée. Le réchauffement a un effet sur le mélange glace-roche qui devient plus «mou», se déforme et permet à l’eau de s’immiscer. Des mesures montrent que les températures du permafrost ont augmenté au cours des vingt dernières années sur les 15 sites d’observation en Suisse. Au Stockhorn près de Zermatt, par exemple, ou à Murtèl-Corvatsch (GR), elles ont augmenté d’environ 0,5 degré à 20 mètres de profondeur. Cela semble peu, mais un «petit» réchauffement peut avoir de graves conséquences: les pentes deviennent déjà plus instables à partir de valeurs autour de -2°C.

Des couches de neige plus minces

La hausse des températures et la diminution des précipitations en hiver ont un impact sur la couverture neigeuse dans les Alpes. Une étude à long terme montre qu’en dessous de 2000 mètres, il y a aujourd’hui nettement moins de neige qu’il y a cinquante ans au printemps, et ce à toutes les altitudes. La hauteur moyenne de la neige entre novembre et mai a diminué en moyenne de 8,4% par décennie depuis 1971, de manière particulièrement marquée à basse altitude. Selon MétéoSuisse, le manteau neigeux pourrait diminuer de 30 à 50% d’ici 2060 (par rapport à 2020) à des altitudes supérieures à 1500 mètres, et même de 80% en dessous de 1000 mètres. Si l’accord de Paris était respecté, l’impact serait environ deux fois moins important d’ici 2060.

Greina Hochebene Raphael Weber

Une saison d’enneigement plus courte

Au cours des cinquante dernières années, la durée moyenne de la couverture neigeuse a diminué en moyenne de 5,6% par décennie dans l’ensemble des Alpes. Les zones situées en dessous de 2000 mètres d’altitude sont particulièrement touchées – la saison d’enneigement y a été raccourcie d’environ un mois depuis 1971. Même aux altitudes plus élevées, où l’on ne constate pas encore de pertes de neige en plein hiver, la saison d’enneigement est aujourd’hui plus courte, surtout en raison de la forte fonte printanière. Dans les Alpes suisses, la saison d’enneigement commence aujourd’hui en moyenne 12 jours plus tard et se termine environ 25 jours plus tôt qu’en 1971. Et d’ici 2100, elle devrait commencer 2 à 5 semaines plus tard et se terminer 2 à 11 semaines plus tôt qu’aujourd’hui (selon l’altitude), si les émissions de gaz à effet de serre se maintiennent dans les proportions actuelles.

Nicolas Gattlen, reporter pour le Magazine Pro Natura

Gorner Grenzgletscher
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Cet article a été publié dans le Magazine Pro Natura.

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