«Une opportunité unique – un projet sur mesure»
Magazine Pro Natura: Monsieur Terribilini, pourquoi vous engager en première ligne en faveur du nouveau Parc national en tant que représentant de commune?
Cristiano Terribilini: cet engagement est directement lié à mes vingt ans d’expérience au sein de la commune. A Onsernone, mais aussi dans les Centovalli, nous assistons à un déclin de la population. Nous constatons un recul numérique, mais aussi social, car il y a moins de travail et moins de cohésion sociale sur le terrain.
Quel est le rapport avec le Parc national?
Le Parc national représente un programme de sauvetage pour cette région éloignée – une opportunité unique. Nous voulons protéger la nature, mais aussi l’habitat humain. Cela va de pair. Nous voulons mettre l’accent sur un tourisme doux, pas un tourisme de masse, par exemple en prolongeant un peu la saison et en ne focalisant pas uniquement sur l’été. En même temps, nous voulons protéger la nature et ce qui reste de l’agriculture de montagne, et mettre en valeur notre paysage rural.
Quelle est la valeur naturelle particulière de ce parc?
Le bénéfice pour la nature est évident. Dans les zones centrales, la nature sera laissée à son libre développement. Autour de ces zones centrales, nous avons la zone périphérique, pour laquelle une approche qualitative est nécessaire, même en l’absence de nouvelles restrictions. Songeons à un rustico qui doit être rénové. Grâce au Parc national, il y aura des moyens pour le faire de manière durable et respectueuse.
L’économie alpestre et le pastoralisme restent possibles dans les zones centrales, les chiens peuvent être promenés en laisse, les hélicoptères sont autorisés à apporter du matériel dans les chalets d’alpage et les refuges. Est-ce que cela ne va pas trop loin?
Effectivement, certaines concessions ont été faites pour les zones centrales, mais l’ensemble du projet représente un excellent compromis, parfaitement adapté. Dans la zone centrale, seuls les chemins balisés peuvent être utilisés. Les chiens tenus en laisse ne compromettent pas l’évolution naturelle de ces secteurs. Et concernant les hélicoptères, le survol n’est autorisé que pour des transports de matériel ciblés, pas pour amener du pain frais à la cabane tous les matins.
Le Parc national du Locarnese est en discussion depuis plus de 15 ans. Pourquoi cela prend-il autant de temps?
C’est effectivement très long. Mais ce processus nous a permis de concrétiser un parc qui est soutenu par la base et non pas imposé d’en haut. Nous avons ainsi été en mesure d’exercer une influence sur l’élaboration de l’Ordonnance fédérale sur les parcs, ou encore d’établir la possibilité d’une connexion avec des zones similaires en Italie, ce qui a depuis été approuvé par le Conseil fédéral. Le caractère unique de notre région est ainsi pris en compte. Politiquement, le Val Onsernone s’arrête à Spruga, mais la nature forme une unité avec le Valle dei Bagni côté italien.
Qu’est-ce qu’un Parc national apporterait concrètement?
Les projets pilotes ont permis de le mettre très clairement en évidence. Un chemin de randonnée historique comme la Via delle Vose a été remis en état, de même que des terrasses historiques, qui représentent un patrimoine culturel important de nos vallées. Je pourrais énumérer bien d’autres exemples. Ces travaux n’ont pu être réalisés que grâce au soutien de la candidature au Parc national dans le Locarnese. Et les habitants de nos vallées les ont mis en œuvre.
Les opposants au Parc national mobilisent avec le slogan «Cher, nuisible, inutile». Comment réagissez-vous aux arguments des adversaires?
Ils ne sont guère recevables. Nuisible? Nous avons montré avec les projets pilotes ce qui peut être fait concrètement et positivement et avons aussi crée des emplois. Cher? On peut toujours argumenter, car le budget atteint 5 millions de francs par année. Mais les communes dans le périmètre du parc ne participent qu’à hauteur de 190’000 francs par année. Pour nous, ce n’est donc pas cher du tout, c’est même avantageux, puisque la part du lion provient de la Confédération. Inutile? Notre territoire s’en trouve revalorisé. Je ne peux tout simplement pas comprendre ce qui pourrait s’avérer inutile.
La Confédération paie beaucoup pour le Parc national. Et qui paie commande, selon le dicton. Berne tiendra-t-elle les rênes du Parc national?
Absolument pas. Il appartiendra aux communes et aux bourgeoisies qui soutiennent le projet de décider, elles ont leur mot à dire au Conseil et donc concernant le parc. Les communes siègent au Conseil du parc selon la taille de leur territoire: Onsernone et Centovalli sont ainsi particulièrement bien représentées. La Confédération contrôle la qualité du projet, vérifie que les fonds sont bien investis conformément à la loi. Cela me semble tout à fait justifié lorsque la Confédération accorde de l’argent.
De vastes secteurs entre Centovalli et Onserone sont une zone naturelle avec des réserves forestières très étendues. La croissance de la forêt augmente. Y a-t-il vraiment besoin du label Parc national pour une zone qui est déjà sauvage?
La nature est sauvage, effectivement. Le retour du loup dans l’espace alpin dépend notoirement de cette évolution de l’environnement naturel. Mais nous voulons que les populations qui sont restées dans ces vallées bénéficient aussi de ce développement. Et un label Parc national est la meilleure solution. J’espère vraiment que les habitants seront un jour fiers de cette marque de distinction. Elle aura un effet de cohésion et servira les intérêts de la communauté.
Etes-vous confiant quant au résultat de la votation du 10 juin?
Je pense que la population dira oui. Ce sera un résultat serré, car il y a aussi des sceptiques. Maintenant, il est important que les communes et leurs représentants en tant que promoteurs favorisent un dialogue direct avec la population au cours des prochaines semaines. Nous devons dissiper les doutes véhiculés par certains opposants en faisant des comparaisons inadmissibles avec le Parc national en Engadine, une réserve totale.
Quelles sont pour vous les plus beaux endroits sur le territoire du Parc national?
Bien sûr je suis partial, parce que je viens de Vergeletto, mais la vallée de Vergeletto et les Alpes Salei, Arena et Porcaresc sont pour moi les plus beaux endroits.
Entretien: Gerhard Lob, journaliste travaillant en tant que correspondant tessinois pour de nombreux médias.
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Cet article a été publié dans le Pro Natura Magazine.
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