Des marais: les hotspots de la biodiversité sont aussi de grands puits de carbone
A l’heure du réchauffement climatique, où l’être humain enrichit artificiellement l’air en CO2 par son mode de vie et ses activités économiques et industrielles, le cycle du carbone est influencé. Le taux de CO2 dans l’atmosphère n’a plus été si élevé depuis 800 000 ans!
L’effet de serre – phénomène indispensable à la vie sur Terre et dont l’intensité varie dans le temps – s’emballe. De nombreuses espèces sont en danger, y compris la nôtre. Seule la réduction de la concentration en CO2 dans l’atmosphère peut ralentir le changement climatique. Dans ce contexte, les puits de carbone peuvent être un petit bout de la solution.
De gigantesques puits de carbone
Stocks de carbone actifs, les puits de carbone sont plus ou moins renouvelables et stockent à plus ou moins long terme. Les arbres par exemple stockent du carbone en particulier durant leur croissance, puis une partie du carbone contenue dans le bois et les feuilles est intégrée au sol alors que le reste est relâché par la décomposition microbienne.
Dans les biotopes humides que sont les tourbières, les végétaux morts ne sont que partiellement décomposés. Ils s’accumulent sous forme de tourbe, constituée pour moitié de carbone. Tant que la tourbe reste gorgée d’eau, le processus de décomposition ne se met pas en route et le carbone reste piégé, parfois depuis plusieurs dizaines de milliers d’années. Dans une épaisseur d’environ 15 centimètres de tourbe, la quantité de carbone est la même que dans une forêt centenaire. Rien d’étonnant alors que les tourbières, qui ne représentent que trois pour cent de la surface terrestre mondiale, stockent un tiers du carbone piégé dans les sols, soit plus que dans toutes les forêts de la planète.
Les marais détruits libérent du CO2
Les tourbières sont des milieux d’une extrême fragilité, particulièrement vulnérables aux perturbations anthropiques comme le piétinement, le drainage, les apports de nutriments ou l’extraction de la tourbe. Facteur perturbateur externe, la hausse des températures induite par le réchauffement climatique a aussi des répercussions sur ce milieu naturel. On constate alors une perte de la biodiversité spécifique, un boisement qui va encore accentuer l’assèchement et un arrêt de la production de tourbe. Surtout, le carbone historiquement stocké dans la tourbe depuis des millénaires, voire des dizaines de milliers d’années est remis en circulation. En bref, des tourbières saines avec une biodiversité intacte peuvent séquestrer du carbone, tandis que des tourbières en mauvais état libèrent du carbone.
D’ici à 2100 à l’échelle mondiale, les tourbières pourraient alors passer de puits de carbone à source de carbone. En Suisse, le renversement a déjà eu lieu. Même si les estimations sur ce renversement de situation sont encore très incertaines, les émissions annuelles de dioxyde de carbone par les tourbières dégradées représentent d’ores et déjà 5 à 10 % des émissions anthropiques annuelles mondiales de CO2.
La destruction des zones humides causée par le changement d’affectation des terres constitue également une menace. La conversion de marais en terres agricoles est à cet effet très révélateur. En Suisse, un tiers des légumes est produit sur d’anciens marais dans le Seeland, le Wauwilermoos, le Rheintal saint- gallois ou la plaine de la Thièle. L’exploitation agricole intensive, rendue possible dans ces régions par un drainage important, libère des quantités considérables de CO2. Un hectare de carottes du Seeland dégage ainsi 30 tonnes de CO2 chaque année.
Pro Natura prend des contre-mesures
Malgré l’acceptation de l’Initiative de Rothenturm en 1987 qui a inscrit dans la loi suisse la protection des marais, malgré la fin des activités destructrices significatives au début des années 1990, une majorité des marais continue de se dégrader en raison des atteintes subies avant 1987, mais surtout en raison de zones-tampons insuffisantes, voire inexistantes.
Pro Natura est impliquée dans divers projets de revitalisation. Un bon exemple est la tourbière des Pontins dans la commune de St-Imier (BE). Ce milieu naturel diversifié est inscrit dans l’Inventaire fédéral des hauts-marais d’importance nationale et constitue un haut-lieu de la biodiversité.
Ici, Pro Natura s’efforce de préserver le caractère marécageux du site et de restaurer les habitats des différentes espèces animales et végétales. Pour y parvenir, les fossés de drainage construits à l’époque ont été entièrement comblés sur une longueur d’un kilomètre et l’écoulement sur le drainage principal a été fermé par des palplanches. Désormais, le marais est à nouveau en eau, permettant à la biodiversité de s’épanouir et au marais de capter à nouveau du carbone.
Informations complémentaires
Info
Cet article a été publié dans le Pro Natura Magazine.
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