La ville: favoriser la biodiversité pour faire baisser le thermomètre
Les zones urbanisées sont des îlots de chaleur. Les surfaces goudronnées et les immeubles absorbent le rayonnement solaire et chauffent les alentours. Les surfaces vertes qui absorbent la chaleur sont une denrée rare et les vents, au lieu de rafraîchir, sont stoppés net par les bâtiments. Cela explique pourquoi il fait plus chaud en ville en été, de jour comme de nuit, que dans la campagne environnante. Tous les êtres vivants – êtres humains, animaux et plantes – souffrent pareillement des canicules, des nuits tropicales, des pluies diluviennes et des périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes.
Dans les zones urbanisées, la biodiversité est aujourd’hui à la peine. Réduite à la portion congrue, elle est en butte à divers maux: l’emprise croissante de l’asphalte et des constructions souterraines, des espaces verts dépourvus de qualité écologique, la concurrence des néophytes envahissantes, la pollution de l’air et la fragmentation des milieux naturels. Pour permettre à la biodiversité de s’adapter aux nouvelles conditions et atténuer les effets du réchauffement, nous devons arrêter de considérer les espaces non construits où la biodiversité pourrait s’épanouir comme des zones résiduelles. Les zones urbanisées doivent être appréhendées comme un paysage, les espaces extérieurs constituant l’armature verte dans laquelle s’insèrent les surfaces bâties et les voies de communication.
Des arbres, partout!
Les arbres offrent de l’ombre, prévenant ainsi le réchauffement des surfaces goudronnées et des façades. Même en période de sécheresse, leur système racinaire leur permet d’accéder aux couches humides dans les profondeurs de la terre, et leur transpiration contribue activement à refroidir l’air ambiant. Les vieux arbres pourvus d’une couronne abondante sont les meilleurs climatiseurs. De par leur taille, ils constituent également un habitat de choix pour la faune et la flore.
Les arbres ne développent pleinement leur potentiel qu’après plusieurs décennies de croissance, c’est pourquoi il est important de protéger et d’entretenir les peuplements existants, mais aussi de planter de nouveaux arbres en prenant soin de créer les conditions nécessaires pour qu’ils atteignent la force de l’âge. Pour ne pas les cantonner à leur fonction de régulateur thermique et leur permettre d’accueillir la vie, on privilégiera les espèces indigènes qui supportent la chaleur et la sécheresse ou celles qui prospèrent dans les régions adjacentes.
Retenir l’eau dans la ville
Plutôt que de laisser l’eau de pluie s’écouler des toitures, des rues et des places directement dans les canalisations, il conviendrait autant que possible de la capter, de la stocker et de la rendre disponible. Désimperméabiliser les surfaces est une bonne option : l’eau de pluie s’infiltre dans les sols renaturés, qui la restituent par évaporation, rafraîchissant ainsi l’atmosphère.
Les toits végétalisés, les bassins de rétention et les eaux libres servent de réservoirs intermédiaires pour les précipitations. La végétation dispose ainsi de suffisamment d’eau pour résister aux sécheresses. Une plus grande diversité de milieux naturels devient en outre possible. Les zones humides hébergent une biodiversité particulièrement riche et offrent un refuge aux espèces qui supportent moins bien la chaleur.
Remédier à l’imperméabilisation des sols
Dans les zones urbanisées, les sols sont souvent imperméables, une propriété pas toujours nécessaire pour remplir leur fonction. Ôter le goudron sur les places de stationnement, les chemins, les cours intérieures et les préaux d’école créerait un énorme potentiel pour des milieux naturels et le captage des eaux de pluie. Les garages ne devraient être autorisés qu’en sous-sol des édifices. Même végétalisés en surface, ils empêchent l’eau de pénétrer dans la terre et aucun grand arbre ne peut y pousser.
Lors de l’aménagement des zones ouvertes, on préférera donc les prairies au gazon, les surfaces rudérales aux jardins de gravier, la végétation d’ourlets aux plantations annuelles. Des milieux naturels variés avec une grande diversité d’espèces indigènes contribuent à mieux répartir les risques et accroissent la résilience des surfaces libres de construction. Il faut accepter que la nature ne cesse de se transformer et avoir confiance en sa capacité de résilience et de régénération face à toutes sortes d’aléas: lorsque certaines espèces périssent en raison d’une sécheresse ou d’une inondation, d’autres ne tardent pas à occuper la niche vacante et c’est le début d’un nouveau cycle. Ces premiers stades dynamiques de développement de la végétation sont particulièrement riches en espèces, mais sont devenus rares aujourd’hui.
Végétaliser les immeubles
La nature ne doit pas être cantonnée aux parkings, au bord des routes et aux jardins. Les toits végétalisés riches en biodiversité ne remplacent pas les milieux naturels au sol, mais peuvent être aménagés de façon à accueillir une multitude d’espèces prospérant sur des surfaces maigres. Ils sont en outre précieux pour atténuer les pics de ruissellement. Le verdissement des façades permet aussi de retenir les eaux de pluie dont l’évaporation est source de fraîcheur. Outre leur aspect esthétique, ces façades offrent abri et nourriture à beaucoup d’animaux.
Pour fournir l’ombre, l’humidité et l’apport d’air frais qui feront baisser la température, on associera de vastes zones arborées, des petits biotopes-relais débouchant sur des corridors de végétation le long des rues, des haies, des allées et des plans d’eau. Cette mosaïque rend l’espace urbain plus favorable à de nombreuses espèces qui se réapproprient toutes les surfaces proches de l’état naturel. Elle constitue le socle vert dont nous avons tellement besoin pour que les villes restent vivables demain.
Andrea Haslinger gère le dossier Nature en ville chez Pro Natura.
Informations complémentaires
Info
Cet article a été publié dans le Pro Natura Magazine.
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