Naturschutzgebiet Les Follateres
04.09.2024 Crise de la biodiversité

Les lacunes du financement de la protection de la nature en Suisse

La protection de la nature prescrite par la loi tarde à être mise en œuvre en de nombreux endroits de Suisse. Ce sont surtout le personnel et les moyens financiers qui font défaut. Investir dans la protection de la nature éviterait pourtant à l’avenir des milliards de francs de dépense pour compenser les dégâts.

La Commission de l’environnement du Conseil national veut supprimer l’ensemble d’un budget supplémentaire de 276 millions sur 4 ans pour des mesures urgentes de protection de la nature. Pro Natura passe en revue les lacunes dont souffre le financement de ce domaine en Suisse.

Liste actualisée, mais non exhaustive:

  • Entretien des biotopes d’importance nationale: joyaux de la nature suisse, ces biotopes couvrent à peine 2% du territoire national et sont protégés depuis de nombreuses années par la loi. Mais un recensement effectué dans les cantons en 2021 montre que les mesures de protection et d’entretien mises en œuvre sont insuffisantes dans trois quarts de ces quelque 7100 objets. Une étude de la Confédération chiffre à 126 millions annuels une protection et un entretien conformes à la loi, auxquels il faut ajouter un montant unique de 1,6 milliard pour les assainissements. Cet argent fait actuellement défaut, ce qui compromet la conservation des principales réserves naturelles. L’Office fédéral de l’environnement constate lui-même que la protection et l’entretien des biotopes exigés par la loi ne sont pas conformes par manque de moyens financiers.
  • Revitalisation des cours d’eau: 75% des poissons indigènes sont menacés en raison de la destruction de leur habitat. Pour lutter contre la disparition des habitats aquatiques, la Confédération a décidé en 2010 de renaturer 4000 kilomètres de cours d’eau d’ici 2090. Depuis, à peine 20 kilomètres l’ont été annuellement, quand plus du double aurait été nécessaire. Rien que pour 2024, il manque 32 millions de francs pour financer la mise en œuvre de mesures de revitalisation.
  • Assainissement écologique des centrales hydrauliques: les cours d’eau sont les habitats les plus menacés de Suisse. Des mesures d’assainissement écologique sont prévues depuis 2011 dans la loi révisée sur la protection des eaux. Seule une fraction de ces mesures est aujourd’hui appliquée. Les fonds nécessaires, que nous versons toutes et tous via le prix de l’électricité, sont insuffisants pour atteindre l’objectif d’ici 2030.
  • Mesures de compensation à l’utilisation des forces hydrauliques: les cours d’eau suisses sont aujourd’hui très majoritairement aménagés. Moins de 5% d’entre eux subsistent intacts. Lorsque les concessions des vieilles centrales hydrauliques arrivent à échéance, celles-ci devaient jusqu’ici prendre des mesures de rétablissement ou de compensation pour les dommages infligés à la nature, comme la loi les y oblige depuis les années 1980. C’est l’état originel non impacté qui faisait foi pour déterminer l’ampleur de ces mesures. Durant son mandat de conseiller national, Albert Rösti a déposé une initiative parlementaire autorisant à prendre comme référence l’état actuel déjà dégradé, parfois de façon massive. De la sorte, les centrales hydrauliques construites avant les années 1980 ne devront jamais fournir de mesures de compensation. Les millions de francs qui auraient dû être utilisés pour améliorer la biodiversité sont ainsi soustraits à la protection de la nature.
  • Entretien des remblais des CFF: les remblais ferroviaires couvrent en Suisse une surface équivalente à 3500 terrains de football. Ils peuvent constituer des habitats de remplacement pour la faune et la flore menacées, et l’entreprise fédérale s’est donné pour objectif d’en entretenir 20% de façon naturelle d’ici 2030. En raison de la pression interne sur les coûts, les CFF n’atteignent actuellement que 5%.

Pour Economiesuisse, la valeur d’une nature intacte pour le tourisme suisse s’élève annuellement à 19,3 milliards de francs, et Agroscope chiffre à 350 millions de francs les services rendus chaque année par la pollinisation. Si l’extinction des espèces se poursuit au rythme actuel et si ces prestations écosystémiques cessent, «le coût annuel de l’inaction […] pourrait atteindre en Suisse 14 à 16 milliards de francs en 2050», selon les estimations du Conseil fédéral.

L’initiative Biodiversité, sur laquelle nous voterons le 22 septembre prochain, demande à la Confédération et aux cantons d’allouer les moyens indispensables à l’entretien des bases de la vie. Le Conseil fédéral évalue sa mise en œuvre à près de 400 millions de francs par année, une fraction de ce que nous coûterait la perte de la biodiversité. En votant oui le 22 septembre, nous transmettrons aux générations futures une nature intacte et non une montagne de dettes.

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Contact:

  • Nicolas Wüthrich, responsable de l’information, tél. 079 212 52 54, @email  

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Photo: Raphael Weber