Si nous n’intervenons pas, elles prennent rapidement le dessus
Des forêts alluviales proches de l’état naturel s’étendent à nouveau dans les méandres de la Reuss au nord de Bremgarten (AG). Pro Natura y a créé une douzaine d’aires protégées et mis en œuvre plusieurs projets de revitalisation en collaboration avec le canton d’Argovie: le martin-pêcheur et le castor sont de retour, les rainettes et les sonneurs à ventre jaune frayent dans les mares, les iris de Sibérie poussent dans les prairies à molinie.
Mais des néophytes envahissantes ont également conquis la zone, notamment les solidages d’Amérique du Nord, la vergerette annuelle, la ronce d’Arménie, la renouée du Japon, le robinier et le buddleia. «Si nous n’intervenons pas, elles prennent rapidement le dessus et évincent les espèces indigènes», explique Lena Bühlmann, co-responsable du projet de lutte contre les néophytes chez creaNatira.
- Matthias Sorg
La lutte est très compliquée
Sur mandat de Pro Natura Argovie et du Canton d’Argovie, la société creaNatira se charge de la lutte contre les néophytes dans les aires protégées. Elle met sur pied des équipes mixtes de civilistes, de requérants d’asile et de stagiaires de terrain. «Nous visitons les sites plusieurs fois par année. Au printemps, nous nous concentrons sur la vergerette, au début de l’été sur les solidages. Selon le degré d’invasion, nous devons intervenir aussi en fin d’été.»
Le solidage se propage aussi bien par ses graines dispersées par le vent que par des rhizomes et il colonise volontiers les clairières, les sols sablonneux et les berges. Grâce à la croissance clonale de ses rhizomes (jusqu’à 300 pousses par mètre carré), il forme des peuplements très denses. Les plantes indigènes héliophiles et de petite taille n’y trouvent plus guère de niches. Le moyen le plus efficace de lutter contre le solidage est de l’arracher avec ses racines et son rhizome. «Si nous tombons sur un grand nombre de plantes prêtes à fleurir, nous devons aussi nous aider de la faucheuse», explique Lena Bühlmann. S’il n’est pas possible d’éliminer complètement le solidage des aires protégées, des actions régulières permettent de le garder sous contrôle.
Le solidage parvient dans les zones alluviales par l’eau de la Reuss. «Lors des crues, des graines et des rhizomes peuvent gagner les forêts alluviales depuis des sites éloignés», explique la spécialiste. Des graines peuvent aussi être apportées par des véhicules ou des chaussures, par le vent ou par d’anciennes décharges contenant des matériaux d’excavation ou de jardin. Pendant des décennies, le solidage a constitué un ornement apprécié dans les jardins suisses. Aujourd’hui, on sait qu’il est problématique et qu’il faut combattre sa propagation. Par ailleurs, quiconque en plante ou en vend est passible de sanctions.
NICOLAS GATTLEN est reporter pour le Magazine Pro Natura.
Bases légales en Suisse
Octobre 2008: la dissémination de plus de seize néophytes et de trois néozoaires envahissants, telles que la verge d’or du Canada, la renouée du Japon ou la coccinelle asiatique, est déclarée interdite en Suisse. Toute personne vendant ou relâchant dans la nature ces plantes ou animaux est punissable. Toutes les espèces concernées sont listées dans l’annexe de l’ordonnance sur la dissémination dans l’environnement (ODE).\
2016: la Confédération adopte une stratégie relative aux espèces exotiques envahissantes, listant une série d’objectifs. Sur cette base débute une révision de la loi sur la protection de l’environnement (LPE).\
2019: après la consultation, la révision de la LPE est suspendue, car les mesures de luttes obligatoires sur les terrains publics et privés qu’elle contient se heurtent à une forte opposition. Le calendrier de la ré- vision sera vraisemblablement établi en 2024. Une nouvelle consultation ordinaire aura lieu, mais la date n’a pas encore été fixée.\
2022: la Liste noire et la Watch List des plantes envahissantes sont remplacées par une nouvelle liste annexée à la publication Espèces exotiques en Suisse. D’autres groupes d’espèces y figurent désormais, comme les mammifères, les reptiles, les insectes et les champignons. Ces listes scientifiques n’ont pas de valeur juridique, mais elles servent de base à l’élaboration de listes juridiquement contraignantes, comme l’annexe de l’ODE.\
1er septembre 2024: une nouvelle version de l’ODE adaptée par la Confédération entrera en vigueur. Plus de 50 plantes comme le laurier-cerise, le buddleia de David ou l’arbre impérial ne pourront plus être importées, vendues, données, ou échangées. Ce qui pousse déjà dans un jardin peut toutefois être conservé.
Une multitude d’autres lois et ordonnances régissent – directement ou indirectement – l’utilisation d’organismes exotiques. Citons par exemple la loi sur la pêche et la chasse, la loi sur les forêts et la loi sur la protection de la nature et du patrimoine. Une liste exhaustive est disponible dans la stratégie nationale.
Informations complémentaires
Info
Cet article a été publié dans le Magazine Pro Natura.
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