Drapeau de la campagne Oui à la biodiversité accroché au bord du chemin le 22 septembre
08.08.2024 Crise de la biodiversité

«Transition énergétique et sauvegarde de la biodiversité vont de pair»

Si la protection des ressources naturelles est un objectif déclaré de notre pays, la réalité est malheureusement tout autre. C’est pourquoi la protection de la biodiversité requiert un ancrage plus fort dans la Constitution. Le 22 septembre, nous avons besoin d’un oui à l’Initiative biodiversité.

Magazine Pro Natura: vous êtes clairement contre les projets de parcs solaires alpins. Pour protéger la biodiversité?

Arnaud Zufferey: indirectement, oui. Mais surtout quelle idée absurde d’aller détruire les derniers espaces vierges alors qu’il existe tellement d’autres possibilités sur les infrastructures existantes, des remontées mécaniques aux balcons des particuliers, des barrages aux toits plats dans les villes, et j’en passe. Les projets de parcs solaires alpins sont la caricature de ce que je dénonce depuis plus de quinze ans, à savoir que nous prenons les choses à l’envers: on veut résoudre la crise énergétique par la production et non pas par la consommation.

Le domaine de la production d’énergie est-il donc particulièrement responsable de la dégradation de la nature, et donc de la biodiversité?

C’est trop vite oublier l’agriculture, la mobilité, la construction, le tourisme, etc. qui tous ensemble surexploitent les ressources que sont les sols, les paysages. Je ne suis pas sûr que le domaine de l’énergie soit le principal fossoyeur de la biodiversité, il contribue aussi à sa dégradation, c’est tout. Par rapport à la perte de biodiversité, on ne reçoit malheureusement pas de notification sur notre smartphone qui nous indiquerait que nous sommes sur la fausse voie avec telle ou telle action.

L’initiative biodiversité, même générale dans ses objectifs, a toute son utilité?

Oui. Je pense même que c’est plutôt positif que les objectifs restent généraux. Cela évite les excuses du style: «C’est une bonne idée, mais c’est la mauvaise manière de le faire...» C’est plus pour moi une votation de principe qui nous place face à notre responsabilité de protéger nos ressources et nos bases de vie. Et je ne vois pas comment on pourrait être contre.

Est-il encore audible aujourd’hui d’être contre les éoliennes, par exemple, pour sauver la biodiversité?

Le temps est révolu de vouloir opposer les deux choses. Si l’on s’attaquait aux problèmes dans le bon ordre – sobriété d’abord, efficacité ensuite et production d’énergie renouvelable enfin – on éviterait alors de détruire nos paysages, et par conséquent de porter atteinte à la biodiversité. Et l’on ne discu- terait même plus de savoir s’il est possible ou non de mettre des éoliennes dans des bas-marais, ou d’accepter des parcs solaires alpins. Si on fait les choses dans l’ordre, on arrive à tout faire, et à le faire bien.

Si je vous comprends bien, accepter l’initiative n’empêchera en rien la transition énergétique.

Tout à fait, ce n’est pas contradictoire. J’aime bien illustrer l’importance de la sobriété, et donc les mesures d’économie, par le nombre d’éoliennes qu’on évite. En Suisse, l’extinction de l’éclairage public entre 1 h et 5 h du matin représente une économie d’environ 144 GWh, soit 29 grandes éoliennes. Si on aborde intelligemment la transition énergétique, on peut minimiser l’impact sur la biodiversité.

Florence Kupferschmid-Enderlin, rédactrice pour le magazine Pro Natura.

Arnaud Zufferey est ingénieur EPFL indépendant, artisan de la transition énergétique. Il est actif dans le domaine de l’énergie depuis dix-sept ans. Conseiller municipal à Sierre de 2009 à 2012 et professeur à la HES-SO Valais de 2012 à 2018, il donne de nombreuses conférences sur l’énergie et la pollution lumineuse en Suisse romande. Il est le concepteur du site https://www.energuide.ch, dédié à la transition énergétique.

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Cet article a été publié dans le Magazine Pro Natura.

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