L’accord international pour la sauvegarde des espèces et des milieux naturels
En 1992, lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement à Rio de Janeiro, la communauté internationale a reconnu que des efforts communs étaient nécessaires pour enrayer le rapide déclin des espèces et la disparition des milieux naturels. À l’exception des États-Unis d’Amérique, presque tous les États du monde, dont la Suisse, ont signé la Convention et s’engagent ainsi:
- à protéger la nature,
- à utiliser la nature de manière durable et
- à partager les avantages découlant de l’utilisation de ressources génétiques de manière juste et équitable.
2022–2030: nouveaux objectifs adoptés
Après une phase préparatoire de quatre ans comprenant de nombreux ateliers présentiels et virtuels ainsi que des négociations intermédiaires, le «Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal» (Global Biodiversity Framework, GBF) a été adopté le 19 décembre 2022 lors de la quinzième réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB COP 15). Le GBF, qui doit permettre d’atteindre les buts de la Convention, contient 23 objectifs concrets qui couvrent tous les aspects de la protection de la biodiversité et qui devront être atteints d’ici à 2030. Avec son réseau «Les Amis de la Terre International» et la «CBD Alliance», Pro Natura a participé activement aux négociations.
Les principaux éléments du Cadre mondial destiné à juguler la crise de la biodiversité
Les attentes [link zu den «Kernpunkten» bzw. zur weggekürzten Liste] étaient élevées, car les nouveaux objectifs doivent permettre de mettre véritablement un terme à la perte de la biodiversité d’ici 2030 et d’inverser la tendance. Malheureusement, ces attentes n’ont été que partiellement satisfaites. L’accord n’amorce pas la transformation de notre système économique et social, qui est nécessaire d’urgence pour endiguer la pression qui pèse sur la biodiversité.
L’accord présente des lacunes:
- Il manque des règles contraignantes pour l’économie ainsi que l’obligation de diligence et la responsabilité pour les dommages causés à la biodiversité.
- Il manque un mécanisme de mise en œuvre efficace, l’obligation d’intensifier les efforts après l’établissement des rapports nationaux et une procédure de révision nationale.
- Le financement a certes augmenté, mais il s’appuie dans une large mesure sur des contributions volontaires de l’économie et sur le trafic d’indulgences, et il continue d’être déterminé par les pays donateurs.
- Le Cadre mondial mise partiellement sur les «solutions» susmentionnées et autres fausses solutions qui permettent aux entreprises de continuer à fonctionner aux frais de la nature tout en se donnant une bonne image.
Certains points ont toutefois été améliorés:
- Les droits (droits humains, droits des Peuples autochtones, des femmes…) ont été renforcés et ancrés dans l’accord.
- La mise en œuvre du Cadre mondial tient compte de principes importants tel le principe de précaution.
- L’ensemble du gouvernement doit participer à la mise en œuvre et pas uniquement le ministère ou département de l’environnement (approche pangouvernementale).
- L’aménagement territorial doit intégrer la protection de la biodiversité sur l’ensemble du territoire.
- 30 % des écosystèmes dégradés doivent être restaurés.
- 30 % des surfaces doivent être protégées en vue de favoriser la biodiversité et gérées de manière adéquate et équitable.
- La pollution environnementale (engrais, pesticides, plastique) doit être réduite de moitié.
- Les incitations dommageables à la biodiversité doivent être identifiées et supprimées.
Malgré les lacunes relevées plus haut, Pro Natura se réjouit qu’un accord ait été trouvé et que le Cadre mondial ait pu être révisé pour protéger efficacement les espèces et les milieux naturels, et par conséquent les bases de la vie. Pro Natura exige désormais que le Cadre mondial soit mis en œuvre à l’échelle nationale.
Que doit faire la Suisse désormais?
Comme tous les pays signataires, la Suisse doit désormais intégrer les nouveaux objectifs dans sa politique et adapter les plans d’action détaillant la mise en œuvre de la Stratégie Biodiversité Suisse et de la Stratégie pour le développement durable. La Confédération et les cantons doivent cesser de temporiser, fixer enfin les surfaces qui appartiendront à l’infrastructure écologique, en discussion depuis des années, et adopter les objectifs de l’initiative biodiversité. Il faut aussi délimiter dans toute la Suisse des surfaces dédiées à la biodiversité dans le cadre de l’aménagement du territoire et élaborer un plan de renaturation des milieux naturels dégradés comme les marais ou les surfaces herbagères exploitées de manière intensive. L’exploitation et la chasse ciblée des espèces sauvages ne doivent pas les mettre en danger et le taux de propagation des espèces exotiques doit être réduit de 50 %. Il faut poursuivre l’intégration de l’écologie dans l’agriculture et la politique agricole, concilier production de denrées alimentaires et promotion de la biodiversité, et veiller à ce que toutes les incitations, plans et projets de l’État soient compatibles avec la biodiversité et que ceux qui lui sont dommageables soient supprimés ou au moins modifiés.
L’Agenda 2030, l’instrument central du Conseil fédéral pour le développement durable, joue un rôle majeur pour la mise en œuvre des objectifs ayant trait à la durabilité des activités humaines – par exemple pour intégrer l’écologie dans le commerce mondial et réduire l’empreinte écologique de la Suisse. Les objectifs du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal doivent être repris par la Stratégie pour le développement durable et mis en œuvre au moyen de son plan d’action.
Il faut également continuer à agir à l’échelle internationale: le système d’indicateurs doit être complété et le mécanisme de mise en œuvre amélioré. Il faut aussi convenir d’un mécanisme concret de répartition des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques (y c. l’utilisation d’informations de séquençage numériques [ISN]). La prochaine réunion de la Conférence des Parties aura lieu en automne 2024 en Turquie.
La situation de la biodiversité est mauvaise - quelques chiffres clés
Quelles espèces sont particulièrement menacées dans le monde?
Sources: Liste rouge de l'UICN (2015 et 2019), FAO, OFEV, ONU
Historique
Le Cadre mondial de la biodiversité n’est pas le premier plan stratégique qu’a élaboré la CDB. En 2002, les États signataires avaient déjà décidé d’accélérer la mise en œuvre de la Convention pour réduire significativement le déclin de la biodiversité jusqu’en 2010.
En 2010, la dixième réunion de la Conférence des Parties à Nagoya a adopté un plan stratégique comprenant vingt objectifs (objectifs d’Aichi), qui devaient permettre de stopper la perte de la biodiversité d’ici à 2020. Faute de volonté politique, ces objectifs n’ont pas été atteints, comme l’a constaté l’IPBES, le Conseil mondial de la biodiversité, dans son rapport mondial publié en 2019. Malgré des succès ponctuels, la perte de la biodiversité se poursuit sans relâche.
Malheureusement, la Suisse n’a pas non plus atteint les objectifs d’Aichi (voir Analyse BL/PN/WWF, en allemand). La Suisse a certes adopté en 2012 la Stratégie Biodiversité Suisse, qui reprend les objectifs d’Aichi, et présenté en 2017 un plan d’action pour sa mise en œuvre. Ce plan, qui va entrer dans sa deuxième phase, est cependant loin de répondre aux attentes des ONG et ignore nombre de leurs propositions. En ce qui concerne la délimitation d’aires protégées, nous sommes mêmes, avec nos 6,6 %, loin des 17 % de la surface du pays qui avaient été convenus, et donc en queue de peloton en Europe.
Par ressources génétiques, on entend le matériel génétique, c’est-à-dire le matériel héréditaire des êtres vivants, qui est ou pourrait devenir utilisable par l’être humain, par exemple pour la culture de nouvelles plantes utiles ou la production de médicaments. Les ressources génétiques sont l’expression de la diversité génétique, l’un des trois piliers de la biodiversité (diversité des gènes, des espèces et des milieux naturels). Traditionnellement, les ressources génétiques sont transmises par le biais de parties de plantes ou de corps, isolées à partir de celles-ci et multipliées. Selon la CDB, ce transfert ne peut se faire qu’avec l’accord de la population sur le territoire de laquelle se trouvent ces ressources génétiques. Grâce au génie génétique moderne, il est également possible de transmettre virtuellement ces ressources sous forme d’informations de séquençage numériques (ISN) et de les produire de façon synthétique. Les droits de la population pouvant ainsi être contournés, il est urgent de réglementer ce domaine.
Contact:
Friedrich Wulf, chef de projet Politique internationale,
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