Escalader avec respect
Porté conjointement par des associations de protection de la nature (Pro Natura et WWF) et des représentants des pratiquants de l’escalade (Club Alpin suisse sections régionales et Association Salle d’escalade Neuchâtel ASEN), le projet consiste à former des grimpeurs à reconnaître les indices de présence du faucon pèlerin et du grand corbeau – espèces cible de cette première phase du projet – sur des falaises des Montagnes neuchâteloises, connues à la fois comme sites de nidification et d’escalade. Le projet est géré par Arnaud Vallat, biologiste féru d’ornithologie et de grimpe.
Fermetures temporaires
Par des passages réguliers à partir de février, équipés de jumelles et de fiches de reconnaissance, les grimpeurs peuvent documenter les installations de nids. «Le temps d’observation est de minimum 90 minutes, car le faucon pèlerin peut se montrer très discret et n’apparaître que furtivement», explique Arnaud Vallat. Une fiche de suiviest remplie à chaque passage, avec cartographie des indices de passage et de nidification. Durant cette période, l’ensemble des secteurs ayant déjà connu une nidification par le passé sont fermés à l’escalade.
À l’issue de cette première période, si une nidification est observée, le biologiste installe des panneaux d’information sur les accès à la falaise, délimitant ainsi un périmètre de tranquillité à respecter en fonction des espèces recensées. Des indications visuelles sont également placées au pied des voies d’escalade. Les sportifs sont ainsi invités à éviter les secteurs de nidification pour que rien ne perturbe la reproduction.
En revanche, le reste de la falaise, s’il est suffisamment éloigné du site de nidification, est rouvert à l’escalade. Ces informations sont également éditées sur le site internet du CAS Neuchâtel afin d’atteindre le plus grand nombre possible d’amateurs d’escalade.
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Arnaud Vallat
- Les faucons pèlerins ont niché avec succès l’année dernière. Des panneaux mettent en garde contre l’escalade d’un rocher de nidification.
Entre mars et juin, les observateurs continuent à suivre de façon régulière l’évolution de la nidification. Ils peuvent ainsi transmettre des données significatives sur le nombre de juvéniles lorsqu’ils sont observables ou sur d’éventuelles sources de dérangement, ainsi que de potentiels échecs ou déplacements de la nidification. À la fin du mois de juin, les dernières observations ont pour objectif de compter le nombre de juvéniles à l’envol. Sur la période de février à juin, entre 6 et 12 passages sont réalisés bénévolement par les observateurs. Lorsque l’envol de la nichée est avéré, la signalisation est enlevée et les voies d’escalade, ouvertes.
Grâce à ce projet, la cohabitation entre la faune sauvage et les activités humaines est favorisée dans les zones non régies pardes plans d’affectation cantonaux. «Les zones qui ne sont pas concernées par une nidification sont ouvertes à une pratique sportive. Et grâce à une information claire, chacun sait pour quelles raisons d’autres secteurs doivent être évités», poursuit Arnaud Vallat.
Succès de reproduction en 2024
En 2024, lors de la première saison de veille active, un nid de faucon pèlerin et un nid de grand corbeau ont été identifiés. La mise en quarantaine des voies a été bien respectée par la communauté des grimpeurs et ce sont quatre jeunes – un fauconneau et trois grands corbillots – qui ont pris leur envol, pour le plus grand plaisir de tous les acteurs impliqués dans le projet.
La collaboration, basée sur l’écoute et l’échange mutuel, a été excellente en 2024 et a permis de sensibiliser de nombreux pratiquants de l’escalade. La mise en place de ce système a été appréciée également par les ornithologues, qui ont prêté main forte au gestionnaire du projet. Comme c’est souvent le cas, les dérangements de la faune sont la plupart du temps occasionnés par un manque de connaissance des enjeux de protection, bien davantage que par négligence. La sensibilisation est donc la bonne méthode pour remporter l’adhésion de la majorité des personnes concernées. Gageons que cette deuxième année du projet remportera le même succès.
La veille active de 2024 a également permis de détecter d’autres types de dérangements pour l’avifaune rupestre, comme des randonneurs parfois trop proches de l’arête des falaises, des photographes trop intrusifs ou des vols de drone intempestifs en direction des nids. Des discussions sont en cours pour que la sensibilisation concerne aussi, à l’avenir, ces activités de loisirs.
GAËLLE VADI, Pro Natura Neuchâtel et ARNAUD VALLAT, chef de projet.
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Info
Cet article a été publié dans le Magazine Pro Natura.
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