Illustration Laurent Guidetti Pascal Staub, Grafilu
Aménagement du territoire

Laurent Guidetti pense et planifie l’espace différemment

Pionnier, Laurent Guidetti, architecte à Lausanne, l’est à double titre. En 1987, le gymnasien exposait déjà à ses camarades de classe les enjeux du réchauffement climatique. C’est le début pour lui d’un engagement tant professionnel, comme architecte, que personnel et public, comme citoyen, pour l’écologie, le développement durable et la justice sociale.

Il ne sait d’ailleurs pas dire s’il est d’abord architecte ou d’abord écologiste. «Cette question n’a jamais eu de sens pour moi, car j’ai toujours considéré que notre métier s’inscrivait dans un contexte plus large que le simple bâti», explique-t-il.

Dans le «Manifeste pour une révolution territoriale» – un texte précis qui donne des outils à tous les acteurs du territoire pour penser et agir maintenant – publié en 2021 avec ses collègues du bureau TRIBU architecture à Lausanne, sa conviction est que les signaux d’alerte d’une planète en surchauffe nécessitent une réaction immédiate à la hauteur des enjeux, aussi sur notre manière de traiter et d’exploiter l’espace, cette ressource non renouvelable. «Dans le domaine de l’urbanisme et de l’architecture depuis vingt ans, on a cherché des solutions pour un aménagement durable du territoire. Les termes de transformation et de transition mis en avant ont souvent été instrumentalisés pour justifier des projets de greenwashing insignifiants», précise le militant.

Ses propositions concrètes sur tous les champs de la pensée territoriale – du logement à l’agriculture, des modèles économiques de production du bâti à la mobilité en passant par les modes de vie et la gestion des déchets – il les met lui-même en œuvre, par exemple dans le cadre de la coopérative Le Bled aux Plaines-du-Loup, à Lausanne, dont il est l’un des porteurs de projet et où il a déménagé son logement et ses bureaux.

Il parie notamment sur l’adaptabilité des logements pour répondre à la diversité des schémas de vie, et montre comment le sien pourrait s’adapter à l’évolution de la famille: «Nous avons un double logement. Quand les enfants s’en iront, nous pourrons laisser l’un des deux et réduire la surface que nous occupons. Dans l’immeuble, il y a d’autres dispositifs comme des pièces avec deux portes, dont une donne sur le palier. Cette chambre joker peut devenir celle d’un ado autonome ou d’une personne âgée qu’on accueillerait. Elle peut aussi être réaffectée à notre voisin si nous n’en avons plus besoin.» Autre proposition très pratique: favoriser les systèmes de récupération des excréments et urines et leur retour à la terre. Et ce n’est pas une plaisanterie, puisque le pionnier nous en a fait la démonstration avec un système en test dans les locaux de TRIBU architecture.

S’il se sent pionnier? Il ne saurait le dire. C’est certainement les personnes qui le côtoient tous les jours, ses collègues et sa famille, qui cernent le mieux l’engagement cohérent de Laurent Guidetti depuis plus de trente ans: sa volonté d’agir concrètement pour la société, pour la prochaine génération et pour le bien collectif, sa motivation pour tout ce qu’il fait, bien qu’il soit plutôt pessimiste pour l’avenir.

FLORENCE KUPFERSCHMID-ENDERLIN, corédactrice en cheffe du Magazine Pro Natura. 

Informations complémentaires

Info

Cet article a été publié dans le Magazine Pro Natura.

Le Magazine Pro Natura vous dévoile les petites merveilles de la nature, vous informe au sujet de gros projets et vous présente des personnalités captivantes. Il porte un éclairage sur les dessous des décisions politiques et révèle où, comment et pourquoi Pro Natura lutte pour la nature. Tous les membres Pro Natura le reçoivent cinq fois par an.